Depuis que j'ai fini mon année universitaire, c'est-à-dire depuis le 11 mai après avoir passé mes deux derniers examens, je profite de mon temps libre pour sortir, bouger, voyager. C'est ainsi
que du 15 au 21, j'étais à Paris ; le 23 dans les calanques de Cassis avec Sara, le 25, encore avec elle, au barrage de Bimont, près de la
montagne Sainte-Victoire située non loin d'Aix-en-Provence, et visible de ma chambre. Sara est repartie à Berlin le 26 au matin, et ce weekend-ci, n'ayant aucune envie de me retrouver seule à ne
savoir quoi faire à Aix, je me suis organisé à la dernière minute un petit séjour à Perpignan, la grande ville la plus au sud de la France. Il y aurait une foule de choses à
raconter sur mon séjour à Paris, et je le raconterai peut-être un jour, mais pour l'heure, narrons le plus récent : mon aventure perpignanaise.
Perpignan est une ville que je ne connaissais pas du tout, et je ne connaissais aussi personne là-bas. Il y a trois solutions d'hébergement dans ces cas-là qui me viennent à l'esprit (je ne
compte pas la solution "dormir dans la rue sous un pont", trop extrême pour moi !) : l'hôtel pour les voyageurs aisés ; l'auberge de jeunesse pour les voyageurs déjà bien moins aisés, mais pour
m'être renseignée, il faut tout de même compter environ 20€ la nuit ; et le Couchsurfing, qui est pour moi la meilleure solution. Couchsurfing, pour ceux qui ne connaissent pas
encore, est un site en .org (une organisation à but non lucratif) dont les membres sont tous des amateurs de voyages, des personnes ouvertes à l'autre, à la culture de l'autre, en bref, des
personnes qui aiment la découverte et le contact humain. Ces membres peuvent être tour à tour hôtes ou surfeurs (voyageurs), et s'il ne m'est jamais arrivée d'héberger, j'utilise volontiers ce
système pour voyager. Certes, le Couchsurfing n'est pas l'idéal pour ceux qui ne sont pas socials et préfèrent leur indépendance. Dans ce cas, mieux vaut avoir les moyens et choisir l'hôtel. Pour
les autres, le CS permet de rencontrer des gens, dont vous aurez préalablement lu le profil sur le site avant de les contacter, histoire de valoriser les affinités ; d'être
chaleureusement accueilli par eux et de les accompagner dans leurs activités, de rencontrer leurs amis, ou au moins de partager quelques repas avec votre hôte,
qui vous offre généreusement une couche et un toit au-dessus de votre tête. Dans le cas de personnes un peu timides comme moi, le CS pousse à aller vers l'autre, à s'ouvrir à lui autant qu'il
s'ouvre à vous, pousse à se dépasser et à mieux faire face à ses peurs.
Et en termes de dépassement de soi et de peurs à affronter, ça a pu être prouvé dès le premier jour de mon arrivée à Perpignan ! Quand Yann, mon hôte, est venu me chercher en voiture avec des
amis devant l'Office de Tourisme de la ville, c'était pour m'annoncer qu'ils partaient grimper ! Je ne sais pas escalader, je ne suis même pas sportive, ne l'ai jamais beaucoup été, et en
acceptant de les suivre, je n'avais pas pris la pleine mesure de ce dans quoi je m'embarquais ! Mais comme j'ai pu le constater plus tard, à Perpignan, ce sont davantage les alentours que la
ville même qui valent le détour ! Direction donc la route de la grimpe en passant devant les plaines et vignobles de Tautavel. Plus précisément, nous étions
alors dans les Gorges du Gouleyrous, l'un des nombreux sites d'escalade des Pyrénées Orientales, qui font la réputation de la région.
Bien entendu, je n'étais pas du tout équipée pour la grimpe. J'ai quand même eu l'occasion d'être attachée et reliée à un mousqueton de grimpe pour certains passages lors de la traversée dans les
gorges, dans lesquelles on s'enfonçait toujours trop à mon goût ; passages qui n'étaient qu'un jeu d'enfants pour eux mais qui me faisaient tout de même bien appréhender !
"Laisse-toi aller en arrière ! Tends tes bras ! Tu peux pas tomber. Au pire si tu tombes, c'est dans l'eau ! Si t'as trop peur, t'y vas à la nage ! Voilà, t'as compris comment on fait.
Décroche le mousqueton et raccroche-le à la nouvelle corde. Ici, tu as une prise pour le pied. Là, tu peux mettre ta main. Très bien ! Tu vois, c'était pas si dur ! Allez, on continue !"
J'étais tout de même soulagée d'arriver à l'endroit souhaité. Au début, on commence en sandales, ensuite, pour plus de facilité, on me conseille de me déchausser et je continue pieds nus.
Certains rochers lisses, polis par le temps, d'une couleur bleu calcaire surprenante, sont un bonheur pour le pied au repos, mais lorsqu'ils deviennent de plus en plus pointus et petits, c'est la
voûte plantaire qui en prend un coup, et la mienne est habituée à son petit confort... Et lorsqu'il s'agit de traverser le courant à guet, que les rochers moussus glissent sous les pieds, que
l'eau me prend jusqu'à la taille et que je me retrouve trempée (autant dire que j'ai pas fait de chichis au retour, à défaut de ne pas porter de shorts, je suis restée en culotte ! Le dépassement
de soi, c'est aussi savoir mettre sa pudeur au placard devant des gens que l'on fréquente que depuis quelques heures), je me sentais comme Indiana Jones qui fait ses débuts et tente de garder
l'équilibre en posant un pied devant l'autre... Au final, pendant que mes hôtes grimpaient les falaises 6A, 6B en moulinette (j'y comprenais pas grand-chose à leur jargon), je traversais le cours
d'eau plusieurs fois pour aller d'une rive à l'autre, trouvais l'eau finalement très bonne, cherchais du pied les rochers qui ne glissaient pas et pestais contre mes pieds qui me faisaient
souffrir, regrettant de ne pas être plus tenace. Je restais en bas, les deux pieds au sol, cette terre bien-aimée où l'on a la sécurité de ne pas pouvoir tomber plus bas !
Yann (les cheveux longs) et Mickaël (avec le casque blanc) en pleine escalade :
François (t-shirt bleu bien reconnaissable) et Amanda, à se battre sur l'autre rive à la façon Star Wars, vers la fin de la journée :
Mon samedi n'était pas fini puisqu'après avoir fait quelques courses, avoir été raccompagnés par Mickaël, notre chauffeur, chez Yann dans une Cité U au sud de la ville, avoir déposé mon sac et
pris un peu de repos, Yann m'a montré l'établi à vélos de sa cité, où j'ai pu en emprunter un, et nous sommes retournés chez Mickaël dans le centre-ville. Nous avons pris l'apéro et dîné chez
lui, pour ensuite, toujours à vélo, nous rendre à Toulouges (à ne pas confondre avec ToulouSe), petite ville à côté de Perpignan où devait avoir lieu une fête traditionnelle
catalane mais qui n'a consisté qu'en deux zigotos sur une scène sur la grand-place de la ville, qui cherchaient à embraser le public avec des chansons populaires et particulièrement paillardes.
Rien de très catalan là-dedans, et encore moins traditionnel ! Petite déception.Mais le retour à Perpi à vélo était lui, plus agréable, avec cette fois le vent dans le dos, une partie de plaisir
!
Pour finir ce samedi déjà bien mouvementé, Mickaël a cette fois pris la voiture pour nous amener au lac artificiel de Villeneuve-de-la-Raho, où nous avons rejoint Amanda et
François, et des potes à eux qui avaient emmené une slackline. Mickaël avait pris son accordéon et l'ambiance était assurée !La photo n'est malheureusement pas de bonne qualité mais elle permet
de donner une idée.
Tout cela seulement était le récit de cet éprouvant samedi qui s'est terminé tard.
Je passerai un peu plus vite sur la journée du dimanche, que j'ai occupé à visiter Perpignan. Il faut savoir que Perpignan, c'est encore plus petit qu'Aix-en-Provence (Merci Wikipedia) et qu'elle
était par le passé, il y a fort fort longtemps, la capitale du Royaume de Majorque, sous le règne de Jaume Ier, et parce qu'un Roi sans demeure pour règner dans sa capitale, ça
le fait moyen, il y a construit son Palais, qui est le monument historique le plus imposant de la ville, et que l'on peut visiter pour 2€ lorsqu'on est étudiant. On peut aussi y
monter gratuitement, cela fait une belle vue sur Perpignan. J'ai payé pour visiter, mais au final, c'était là aussi plutôt décevant ; en effet, le Palais a l'intérieur est vide. On peut se rendre
dans les anciens appartements du Roi, de la Reine, relié par un petit couloir dissimulé par les deux chapelles du Palais, se rendre dans la salle du trône où il n'y a plus de trône et dans la
Tour de l'Hommage si on a le courage de prendre les escaliers (je me suis arrêtée au deuxième palier, avec la certitude que, de toute manière, le troisième serait le dernier mais tout aussi vide
que les précédentes pièces du Palais), la grande salle qui est prévue pour accueillir de nos jours concerts et conférences, et tout cela avec comme seule source d'explication un plan A3
recto-verso plastifiée.
Au coeur même de Perpignan, ma promenade préférée a été de longer les quais Sebastien Vauban. Le dimanche, tout est fermé, à l'exception de quelques restaurants, la ville paraissait donc très
vide elle aussi. Perpignan est la ville avec la plus importante communauté gitane de France, et cette communauté vit dans le quartier Saint-Jacques de la ville. Yann me l'avait conseillé car le
dépaysement est garanti ! C'est un quartier historique qui tombe en décrépitude et pose de ce fait problème, notamment pour la sécurité de ses habitants. La ville aimerait le raser, ou au
moins le moderniser, mais difficile d'évacuer tout un pan de la population, alors tout projet reste en suspens.
Le quai Sebastian Vauban avec le Castillet en arrière-plan :
Le Castillet, un des monuments historique, était tout d'abord la porte de la ville, puis une prison, et abrite de nos jours le Musée de la Catalogne
:
Au coeur du centre commerçant de Perpignan :
En fin d'après-midi, après mon tour de la ville, j'ai rejoint Yann dans le Jardin public de sa Cité U. Un souci avec mon appareil photo ne m'a plus permis de prendre aucune autre
photo du reste de mon séjour, mais ce jardin valait bien le détour ! Yann est un passionné du jardinage, de l'écologie, des alternatives de consommation bio et locale, il s'attache aussi à
récupérer tout ce qui est récupérable et peut servir à d'autres fins. Ainsi, avec lui et Mickaël, nous étions allés à l'arrière d'un magasin bio, vendredi après l'escalade, et je me souviens
encore parfaitement de son bonheur et de ses cris victorieux à la vue de tout ce qui avait été jeté, long weekend de Pentecôte oblige, dans les poubelles du magasin et était encore selon lui
parfaitement mangeable, et nous avions remporté deux trois cagettes pleines de provisions ! Dans ce grand jardin où, avec d'autres passionnés comme Mickaël, il a passé tout son dimanche, poussent
différentes variétés de tomates, de pommes de terre, des petits pois, fèves, haricots, radis, fenouil, des arbres fruitiers et plants de fraises, des fleurs de différentes espèces, herbes
favorisant la culture de tel ou tel légume, l'éloignement ou la prolifération de tels insectes et bestioles, etc. Le jardin possède même une ruche artisanale, un "hôtel à insectes" et bientôt,
une mare verra le jour. Une pancarte à l'entrée du jardin annonce que des piques-niques ont lieu chaque mercredi midi et une autre explique la Charte du Jardin. C'est un endroit
pour tous, pas seulement réservé aux résidents de la Cité U. Respect et entraide y règnent dans un climat par ailleurs inter-générationnel.
C'était fantastique de voir que de tels lieux, des petits paradis basés sur des valeurs humaines, pouvaient encore exister, dans une France généralement égoïste, capitaliste, méfiante, qui pousse
à la consommation comme si l'argent et son pouvoir pouvaient tous nous rendre heureux...
Ce weekend en Couchsurfing n'a pas seulement été pour moi sportif, mais il a également consisté en de belles leçons de vie, et c'est aussi cela, l'esprit CS : apprendre des
autres et transmettre. C'est court, mais c'est intense, et ça fait du bien !
Au soir, nous avons mangé une omelette consistante, réalisée avec les oeufs récupérés du magasin bio, des cèpes ramassées en forêt, des petits pois et des pommes de terre du
jardin...accompagnée d'une boisson au sureau fermentée que Yann fait lui-même ! Un repas sain et un bon moment de partage !
D'ailleurs, équeuter les petits pois, c'était comme un retour dans l'enfance. Et Yann m'a fait découvrir qu'on pouvait les manger crûs, c'est aussi très bon, frais et légèrement sucré ! :)
Lundi de Pentecôte, Yann travaillait ;on s'est donc séparé au matin et je le remercie encore chaleureusement pour son bon accueil. J'ai vaqué un peu en ville, tout d'abord avec
un but, celui de me rendre jusqu'à la gare, qui était tout de même assez éloignée, puis en centre-ville, avec une pause à la FNAC de Perpignan. Parmi les Couchsurfeurs que j'avais contactés, une
autre m'avait répondu positivement, mais n'était disponible que le lundi. J'ai alors rencontré Lanja, une jeune femme de 28 ans d'origine malgache, directement chez elle. Nous
avons déjeuné sur sa terrasse, avons beaucoup parlé, car c'est une personne extrêmement sympathique elle aussi. Grâce à elle, j'ai appris ce qu'est le luffa, plante grimpante qui
donne comme fruits des éponges végétales (!!) ; j'ai eu envie de visiter le Cambodge, le Laos et la Thaïlande, les pays qu'elle a pu visiter lors de son dernier grand voyage ; elle a pris la
voiture pour me permettre d'aller reprendre mon sac laissé chez Yann plus vite sans me crever à marcher sous le soleil perpignanais, je lui ai fait découvrir par la même occasion le jardin public
"de Yann", et puis nous sommes parties toutes les deux à Collioure, ville en bord de mer Méditerrannée à 30 minutes de Perpi.
Là-bas, nous avons suivi les chemins rocheux le long du littoral, puis sommes montées jusqu'au centre-ville, où là, j'ai eu la chance de découvrir enfin un peu de culture traditionnelle catalane
: des habitants, souvent des personnes âgées, qui dansaient des rondes au son d'un orchestre une danse qui se nomme - m'a appris Lanja - sardane. La ville de Collioure vaut
davantage le coup d'oeil que celle de Perpignan, plus jolie, plus touristique, dotée de nombreuses petites criques où survivent encore quelques bunkers allemands de la seconde guerre mondiale,
dont certains sont à présent utilisés par les militaires.
Retour à Perpignan pour 18h, où je devais retrouver mon couple de covoitureurs pour repartir à Aix-en-Provence. Un weekend pas cher, enrichissant, empli de découvertes, et je repars ainsi avec de
très nombreux souvenirs et un très bon sentiment de Perpignan, de ses alentours, et de ses habitants. Le prochain weekend de ce genre se fera à Nantes dans vingt jours, et forte
de cette expérience inoubliable, je ne peux qu'attendre avec hâte de pouvoir revivre la découverte d'une autre de nos belles villes françaises !