(Ceci est une histoire vraie.)

(Pourquoi je vous le précise ?! Comme si je racontais des mensonges sur mon blog hin hin hin... )

Plantons tout d'abord le décor !

J'étais là :

Pas exactement le même banc car les photos n'ont pas été prises aujourd'hui, mais plus tôt dans le mois; par contre c'était quasiment - et ça je vous l'assure - le même temps :

(Ici, on peut voir l'Oustau de Prouvenco, bâtiment implanté dans le Parc Jourdan. Ou orthographe similaire, je ne maîtrise pas le parler provençal. C'est une école - musée du provençal; je ne fais que passer devant pour le moment.)

Aujourd'hui, peu avant midi.

J'étais en train de finir de lire le dernier acte de Nathan der Weise, oeuvre maîtresse de G. E. Lessing, philosophe allemand de l'Aufklärung. J'avais hâte, il ne me restait plus qu'une page. Une femme d'un certain âge survient alors de ma gauche...

- Qu'est-ce que vous lisez, jeune fille ?

Je lui réponds, lui montre le petit livre jaune, lui explique que c'est en allemand, pour mes études. La discussion est lancée.

Cette vieille dame me confie sa vie, des bribes d'existence, des morceaux jaillisant d'un passé, loin, loin de mon présent à moi, ce passé qu'il m'aurait été impossible de connaître, elle m'en dévoile un horizon.

Elle est fille de diplomate, née au Maroc, mais d'origine corse. Son père, elle l'a suivi dans ses voyages. La grippe espagnole, qui faisait des ravages en son temps, elle y a survécu. Elle avait alors deux ans et demi, et dans sa famille, elle fut le seul bébé à ne pas en dépérir. Elle raconte qu'enfant déjà, on lui prédisait qu'elle serait bilingue. Aujourd'hui, elle était plutôt fière d'annoncer qu'elle maîtrise cinq langues.

- Mais pas l'allemand, ah non, pas l'allemand. J'ai eu une gouvernante allemande, et quand je n'étais pas sage, elle me donnait la fessée, alors en signe de rébellion, je n'ai jamais appris sa langue !

(Sur le devant de sa veste, pourtant, un pins placé bien en évidence : les drapeaux de la France et de l'Allemagne. Elle ne m'en parle pas mais je le vois. Ca me fait sourire. Aurait-elle joué un rôle dans les relations diplomatiques franco-allemandes, que cela ne m'étonnerait pas le moins du monde.)

Elle a aussi été en Australie. En son temps, elle découvre que les colonisateurs français, on ne les incitait pas à faire des études. Surtout les femmes, qui passaient par conséquent pour des idiotes. Alors elle s'est battu pour faire bouger ce genre de choses. Elles les formaient pour les examens, mais se rendant compte qu'il y avait toujours des "attrape-nigauds" dans les énoncés, elle enseignait ces attrape-nigauds, et rien d'autres. Et ses éléves obtenaient les examens...

Pendant la guerre, en France, elle a participé à la libération de Marseille, et d'Aix-en-Provence. Tous les hommes, pourtant, étaient enrôlés dans les armées. Mon inconnue au passionnant passé a donc fédéré les femmes restées en ville, et ces villes furent libérées.

De Winston Churchill, elle était la confidente. Peut-être pas la seule, mais elle avait sa confiance. Elle le rencontrait, le conseillait. Elle ajoute, humble : "Même après sa mort, je n'ai jamais trahi Churchill. Ce qu'il me disait, je le gardais pour moi, toujours. Encore maintenant."

Elle raconte qu'à la libération d'Aix-en-Provence, les Aixois ont été très gentils avec elle. Ils lui ont trouvé un endroit où dormir, de quoi manger. Elle s'y est plu. Depuis quand a-t-elle décidé d'y vivre, je ne sais pas. Combien d'années transporte-t-elle ainsi, goûtant à présent une apparente vie de douce tranquillité, une retraite amplement méritée ? Je ne saurais l'estimer.

Une dernière histoire, toute pleine de tendresse, avant de continuer sa promenade :

- Le Maire d'Aix-en-Provence, ici, il voulait bâtir des maisons, vous savez... Mais moi je lui ai dit, ne faites pas cela, il y a une école à côté, pensez aux enfants. De quoi ont-ils besoin ? De l'oxygène, d'espaces pour jouer, pour se détendre... Et il a fait le parc Jourdan...

- Le plus beau parc de toute la ville.

- C'est vrai. Il y a d'autres parcs de l'autre côté de la ville. Plus petits, moins jolis. Les gens, là-bas, ils pensent que ça leur appartient, qu'ils en sont les maîtres. Vous croyez seulement qu'on y voit les enfants jouer ?

Sur une dernière note d'humour, la petite vieille prend congé :

- A mon âge, on ne peut plus vraiment draguer. *rires* Alors je suis bien contente que vous m'ayez répondu, mademoiselle. Passez une bonne journée !

Et elle s'en va, digne, anonyme, et je reste un moment à la suivre du regard, pour tacher de ne pas oublier cette fugace apparition, cette conversation presque solennelle, d'une inconnue qui a vécu à une autre inconnue qui a encore tant à vivre, dans ce parc Jourdan dont elle peut être fière, le plus grand parc d'Aix-en-Provence, à proximité de toutes les facultés, de la gare, du centre-ville, et qui permet tant, aux petits comme aux grands. A moi comme à des dizaines de milliers d'autres. Cette femme, elle mériterait d'avoir son nom dans ce parc. Voire sa propre statue.

ACHTUNG ACHTUNG !

Depuis le 20 mai, plus aucun article n'a été publié sur ce blog.

La raison en est simple : mon contrat comme Fremdsprachassistentin se terminait le 31 mai 2011.

Durant ces derniers jours, mes parents sont en outre venus découvrir la Bavière à mon côté, ce qui ne m'a plus laissé de temps pour l'écriture et la mise à jour de ce blog. Nous profitions du bon temps munichois, de la voiture pour des sorties loin des murs de la ville, d'une sortie au prestigieux Nationaltheater ou encore un passage à la Hofbräuhof, histoire pour moi de leur montrer ce que c'est que l'ambiance populaire allemande si chère à mon coeur d'expatriée.

Ensuite ?

Retour en France, der Heimat, quoique la notion de Heimat comme nous le savons tous, est toute relative à chacun. Ainsi, je continue de penser que le mien est à la fois ici et là-bas...

J'ai joué à la Globe-trotteuse des entretiens d'étude en juin (entretiens fâcheusement infructueux...), à la touriste sur la Côte d'Azur en juillet, et puis oh, encore à la touriste à Barcelone en août.

A présent ?

Depuis le 2 septembre, je suis devenue Aixoise. J'habite un logement étudiant de 9m² qui ressemble à une cabine de bateau, largement personnalisée par d'innombrables photos, souvenirs d'Allemagne et d'inoubliables moments et rencontres, et de cartes postales publicitaires allemandes, accumulées durant l'année.

Je fréquente la faculté de lettres Robert Schuman en tant qu'étudiante en deuxième année de Licence Langue, Littérature et Culture Etrangère Allemandes. Mon année d'assistanat, en plus d'avoir largement compté parmi mes plus belles années de ma courte vie, m'aura, dans sa grande générosité, permis de gagner les 60 crédits d'une première année de Licence.

Mon but ?

Continuer bravement ma quête de la maîtrise de la langue de Goethe, en apprendre davantage sur l'histoire et la culture allemandes, et plus tard/später, persévérer dans les métiers de l'édition du livre, se spécialiser dans la littérature de langue germanique, peut-être même slave, et peut-être, ô grand peut-être (la vie est un horizon de doutes et d'imprécisions) la traduction, le professorat, les relations franco-allemandes, que sais-je ? Ne jamais baisser les bras, même quand on nous scande le mot "crise" à nous faire pousser des cris d'orfraie.

Et le blog alors ?

Je me suis rendu compte que je tenais à ce blog, qui était pour moi le moyen le plus pratique pour faire partager mon expérience, mes découvertes et réflexions alors que j'étais en Allemagne.

Désormais, je suis à Aix-en-Provence, que certains même comparent à un petit Paris. J'ai encore beaucoup à apprendre et ce blog peut continuer de vivre, avec un cadre de vie nouveau, certes français, mais toujours un peu en lien tout de même avec l'Allemagne, dans l'intérêt de mes études.

Bientôt la fin de mon contrat de travail, bientôt mon départ d'Allemagne, bientôt, tous ces gens, je ne les verrai plus. *Tränen*

Pour marquer le coup, j'ai de nouvelles envies de cuisiner. Oui oui ça arrive aussi soudainement que ça.

Aujourd'hui donc, Siriane aux fourneaux et hopp hopp hopp ! Un gâteau aux pommes tout chaud qu'elle rapportera pour ses collègues d'Oberhaching demain matin. :-)

Et pour elle - car la miss est gourmande, voyez-vous cela -, petite expérience culinaire qui semble avoir réussi : le gâteau aux pommes cuit à la pôele...

Pas facile à retourner mais un résultat au final surprenant et délicieusement odorant !

Le tout badigeonné de yaourt et, ô délice, de Heidelbeeren/Blaubeeren (Myrtille, comme le prénom de son amie Erasmus) achetées du jour à une marchande "ambulante" de München, ainsi qu'une barquette de Himbeeren, Mmmm trop bonnes les framboises !

Ce soir, festin sucré fruité !

Je vous présente un de mes nouveaux compagnons, qui, depuis les vacances de Pâques, a élu domicile sur la poutrelle au-dessus de ma porte d'entrée. Maman Vogel y a construit son nid. Eva m'a appris que "nid" se disait "Nest" en allemand, "neast" en anglais.

Tous les jours, quand je rentre chez moi ou que j'en sors, je jette un regard protecteur sur mon agréable compagnon à ailes noires. Mercredi, j'ai eu la surprise de ne plus le découvrir seul ! Les Vögelein de Maman Vogel sont sortis de leur coquille et Papa Vogel fait des allers et retours pour nourrir ces avides petites bouches pépiantes ! Das ist süß !

J'espère que la petite famille restera jusqu'à mon proche départ...

♫ Chante, rossignol, chante,
Toi qui a le coeur gai.
Tu as le cœur à rire...
Moi je l'ai à pleurer.

Il y a longtemps que je t'aime,
Jamais je ne t'oublierai. ♪ ♫ ♪

(Extrait de la chanson "A la claire fontaine")

Aujourd'hui, reprise du boulot après deux semaines. De nouveau, je me lève donc à 7h, me prépare et vais à Unterhaching. Je suis fit, en pleine forme, et chose exceptionnelle, j'arrive même, en partant plus tôt de chez moi, à attraper le S-Bahn de 8h10 (au lieu de 8h20 ou encore 8h30 lorsque vraiment j'ai du retard ; le cours commençant à 8h50). Mais non, conscience professionnelle, je devais drucken und kopieren le cours que j'avais préparé samedi et je tenais à ce que ce soit fait dans les temps.

Donc je suis venue. Veni.

Ensuite j'ai vu. Vedi. J'ai même vu très vite et comme je ne suis pas bête, et que je suis informée, j'ai compris. J'ai vu Frederick, un gars de 10ème que j'aurais justement dû avoir en cours, en vélo avec des copains, s'éloigner du Gymnasium et me saluer dans un français tout à fait correct : "Bonjour ! C'est la fête de Pâques !". J'ai vu des groupes entiers d'élèves repartir l'air tout joyeux. J'ai croisé Carina, une élève très timide de 13ème année que j'avais dans le Leistungskurs Französisch, qui m'a confirmé ce que j'avais alors compris : aujourd'hui se déroulait l'Abistreich, appelé aussi de plus en plus Abischerz (les moeurs évoluent dans le bon sens, davantage bon enfant.), soit les blagues du Bac.

En savoir plus sur les rites des élèves Allemands après leurs épreuves de Bac ?

Lire l'article à ce sujet de l'émission Karambolage d'ARTE :

http://www.arte.tv/fr/Toutes-les-rubriques/1176778.html

Pour l'occasion, les 13ème année d'Unterhaching ont organisé une mini-Oktoberfest, appelée ABIerfest 2011. Ils étaient en costume traditionnel, les trois lettres A B I peintes sur le visages. Aucun cours n'avait lieu, place aux jeux et à l'amusement !

Dire que j'ai vaincu (Vixi) serait trop fort. Disons que j'ai gagné comme tous les autres un jour de vacances supplémentaire ! J'ai imprimé mon cours mais il me faudra attendre à présent deux semaines avant de pouvoir le dispenser, la classe partant en échange scolaire avec la ville du Vézinet, dans la banlieue ouest bourgeoise de Paris. Ce ne sera plus d'actu mais qu'importe ! J'ai terminé de préparer mon dossier du CROUS que j'avais reçu mercredi, en imprimant les documents nécessaires qui me manquaient. Dans la cuisine, un festin gargantuesque de gâteaux faits maison nous attendaient. Un sacré deuxième Frühstück ! Les élèves de 13ème se permettaient d'entrer dans la salle des profs pour hurler  en sautant partout "ABIFEST, ABIFEST, ABIFEEEEST !!!" et gentiment nous casser les oreilles. Ils en profitent, durant l'Abistreich, ce sont eux les maîtres le temps d'une journée !

Dans la cour et devant l'entrée principale, une sono et un podium avaient été installés, ainsi que des tables et des bancs en bois typiques des fêtes allemandes. Beaucoup de musique, une machine à déverser de la mousse qui faisait la joie des plus jeunes, une distribution de jus de pommes pétillant à la place de la bière ; un 13ème, micro aux lèvres, animait des concours de bras de fer entre élèves, puis certains profs s'y sont joints, affrontant les plus âgés : victoire écrasante des profs sur les élèves !

Des Lebkuchen avaient spécialement été réalisés avec les mots "ABIerfest '11". Julia, une fille du LK Fr. comme Carina est venue me proposer des mini brezel salés apéritifs, et j'en ai profité pour lui demander comment je pouvais avoir ces Lebkuchen. Ô Überraschung, elle en a sorti un de sa poche et me l'a donné ! J'étais très contente, j'ai un souvenir de cette journée ! Je suis encore restée un peu à les observer dans leur allégresse communicative, à s'asperger de mousse et faire les fous, puis je suis retournée en salle des profs attraper un cookie à la framboise et suis repartie. Il devait être 10h30. J'ai trouvé la Poste d'Unterhaching après avoir demandé mon chemin, et ayant loupé mon S-Bahn de retour à quelques minutes près, j'ai opté pour une virée à Munich, où je suis toujours actuellement sur un banc du Hofgarten, après être parvenue à lire en entier à Hugendubel Le Livre des brèves amours éternelles d'Andreï Makine, auteur russe qui m'était jusqu'alors inconnu, et m'être fait plaisir en me délectant d'une glace Waldbeere/Weiße Schokolade achetée à Galeria Gourmet à 14h30.

Photos d'assez mauvaise qualité car prises depuis mon téléphone portable qui ne permet pas de zoomer.

L'entrée principale du Gymnasium et les élèves attroupés autour du podium et de la sono d'où était diffusée la musique, et au moment de la photo, un bras de fer prof de sport-élève très tendu. (On admire le gars tout à gauche qui s'est dévoué à rester près de la porte, une serpillère à la main...)

(Les nappes de papier aux motifs bleu et blanc, les couleurs de la Bavière)

Ci-dessous, on se croirait en hiver (surtout que regardez bien, le ciel de ce petit matin était menaçant), mais non pas du tout, c'est de la mousse en quantité monstrueuse ! Des douches de mousse artificielle pour les élèves les plus hardis !

Mon Lebkuchen souvenir :

PS : en parlant de blague, en voici une mauvaise. Depuis ce matin, mon portable a décidé que je n'avais plus à être joignable. A quoi bon, en effet ?! Rien à faire, il refuse de m'accorder du réseau, peu importe l'endroit. Je ne vous raconte pas à quel point c'est frustrant de chercher à lire tranquillement dans une librairie alors que des sonneries de téléphones portables retentissent sans cesse, rappelant insidieusement que le VÔTRE ne sonnera pas. Mais jusqu'à quand ? J'espère que ça se résoudra vite...